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La mise en teinte du bois : l’art de révéler et sublimer la matière

La mise en teinte est l'une des étapes clés de la finition du bois. Plus qu’un simple effet cosmétique, elle permet de jouer avec les nuances, d’uniformiser des surfaces, de camoufler des défauts ou encore de donner au bois une toute autre personnalité. C’est un savoir-faire délicat, entre tradition, chimie douce et regard esthétique.

Pourquoi teinter le bois ?

Les motivations derrière la mise en teinte sont multiples. Elles répondent autant à des besoins esthétiques qu’à des impératifs techniques.

Imitation d’essences nobles
Certains bois, tels que le hêtre, le sycomore, le poirier ou encore le sipo, présentent une structure homogène idéale pour recevoir des teintures. Ils deviennent ainsi de parfaits succédanés de merisier, noyer, acajou ou même ébène.

Harmonisation des pièces
Même au sein d’une seule essence, des variations de couleur peuvent apparaître entre différentes planches ou parties d’un meuble. Le cœur du bois est souvent plus sombre que l’aubier, le débit sur quartier diffère du débit sur dosse, et les placages sont parfois issus de billes différentes. La teinte permet alors de créer une unité visuelle cohérente.

Atténuation des défauts
Certaines essences, comme le chêne ou le merisier, présentent des veinages verdâtres ou des taches sombres. Une mise en teinte judicieuse permet de les atténuer, voire de les masquer efficacement.

Réchauffement ou adoucissement des tons
Lorsque le bois semble trop pâle, trop froid ou au contraire trop vif, la teinte permet d’ajuster subtilement sa nuance, pour s’intégrer parfaitement à l’ambiance désirée.

Vieillissement esthétique
Dans le cadre de restaurations ou de créations inspirées du mobilier ancien, la teinte permet de « patiner » les surfaces et de leur conférer un charme du temps passé.

Créations contemporaines
Enfin, des teintes plus audacieuses – vives ou pastel – peuvent apporter une touche résolument moderne, notamment dans le mobilier design ou décoratif.

Les méthodes d’application

Traditionnellement, la teinte est appliquée sur le meuble une fois monté et poncé. Elle pénètre très peu en profondeur (moins de 0,3 mm en général), d'où l'importance d’un geste précis : une erreur pourrait être irréversible.

Les placages, quant à eux, peuvent être teintés dans leur masse avant collage, ce qui est fréquent dans les techniques de marqueterie ou de frisage. Deux méthodes sont alors utilisées :
  • Par immersion, dans une préparation élaborée artisanalement.
  • Par imprégnation sous vide, un procédé plus technique permettant une pénétration homogène, même dans les bois hétérogènes.
Avant la teinte : le mordançage

Le mordançage consiste à préparer le bois pour optimiser la pénétration et l’adhérence de la teinte. Plusieurs produits sont utilisés selon le type de bois et l’effet souhaité :
  • Ammoniaque (à faible dose) : améliore la pénétration mais modifie parfois la teinte.
  • Bichromate de potasse : réagit avec les tanins et donne des teintes chaudes, surtout sur les bois nobles.
  • Alun : stabilise la teinte sans en altérer les couleurs, particulièrement apprécié en marqueterie.
Les différents types de teintes

1. Les préparations artisanales
Réalisées à l’atelier à partir de colorants naturels ou synthétiques, elles offrent une grande finesse de rendu. Elles exigent en revanche une bonne maîtrise des dosages et une expérience confirmée.

Souvent préparées par décoction dans de l’eau douce, ces teintes sont appliquées à l’éponge ou au pinceau, avec parfois un ressuyage. On peut en ajuster la concentration pour varier les intensités. Elles sont néanmoins peu stables dans le temps et doivent souvent être refaites pour chaque projet.

2. Les teintes prêtes à l’emploi
Disponibles dans le commerce, elles sont plus faciles à utiliser. On distingue :
  • Les teintures à l’eau : faciles à appliquer, peu odorantes, mais qui soulèvent les fibres du bois.
  • Les teintures à solvant : à séchage rapide, elles pénètrent plus profondément mais nécessitent une bonne aération.
Les sources de coloration

Les colorants végétaux. Parmi les plus utilisés :
  • Brou de noix : donne un brun chaleureux, excellent sur le chêne.
  • Chicorée : patine le merisier, ravive le chêne.
  • Thé, campêche, orcanette : offrent des teintes du beige au rouge très foncé.
  • Garance, cochenille, curcuma, bois de santal : autrefois utilisés en teinture textile, ils trouvent leur place en ébénisterie.
Les colorants minéraux :
  • Extrait de Cassel (ou terre de Kassel) : donne des bruns profonds mais nécessite un mordant pour bien pénétrer.
  • Terres naturelles (Sienne, Ombre…) : encore utilisées en restauration.
Les colorants de synthèse

Appelés fuchsines, ils sont très concentrés et solubles dans l’eau ou l’alcool. Ils permettent une grande variété de couleurs (tons bois et teintes vives). Certains sont même utilisés pour teinter les vernis au tampon à base de gomme-laque, notamment en restauration.

À retenir pour une mise en teinte réussie
  • Préparez toujours un échantillon test.
  • Poncez soigneusement la surface avant application.
  • Utilisez un mordant adapté si nécessaire.
  • Appliquez la teinte uniformément, dans le sens du fil du bois.
  • Protégez ensuite la teinte avec une finition : cire, huile, ou vernis.
Conclusion

Teinter le bois est un art subtil, à la croisée des techniques traditionnelles et de la sensibilité personnelle. En jouant sur les nuances, en harmonisant les tons ou en réveillant un meuble ancien, cette étape de finition sublime le bois tout en respectant son âme. Que l’on soit ébéniste confirmé ou amateur passionné, bien maîtriser la mise en teinte, c’est se donner les moyens de faire parler le bois avec encore plus de force et d’élégance.

Quel est l'origine du terme fuchsine ? 
En 1858 un chimiste lyonnais nommé Vergin fit réagir l'aniline sur le bichlorure d'étain anhydre et obtint un colorant rouge fuchsia. D'autres substances furent ensuite utilisées pour obtenir des couleurs variées. À la même époque les frères Fuchs, indus­triels allemands, ont exploité cette décou­verte dans l'industrie textile. 
Rédigé le  27 mai 2025 16:09 dans Techniques  -  Lien permanent

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